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Magma

  • Photo du rédacteur: Maéli
    Maéli
  • 2 juil. 2020
  • 4 min de lecture

Bip bip. Bip bip. Bip bip bip bip bip.

Le détonneur résonne. La fréquence des bips augmente et je ne sais pas combien de temps encore je vais pouvoir tenir.

La température monte d'un cran.

J'en ai tellement sur le coeur que je ne sais plus par où commencer, qu'il faudrait déverser des océans en entier, qu'il faudrait faire exploser quelques montagnes pour relâcher la pression.

Bip bip bip bip bip bip bip

Je suis une cocotte minute sans soupape car on n'a pas prévu que j'ai voix au chapitre ; car je suis pas d'accord et j'ai pas d'espace pour l'exprimer. Alors je le garde à l'intérieur, là où ça me brûle les entrailles et ça me noue la gorge mais je ne tiens pas en place et je ne vais pas pouvoir contenir

trop longtemps le magma de la rage de la tristesse des hurlements de la colère

et je ne sais pas par où commencer la liste est longue je tire sur un fil et je finis par découvrir des émotions cachées sous le tapis.

Et je voudrais juste foutre le feu à tout ça ; mon sentiment d'injustice d'impuissance ma colère ; je voudrais vous planter vous dire non je suis pas d'accord mais aller vous faire voir bordel. Aller vous faire voir.

Je veux pas de ce que vous me refoulez, je porterai pas vos responsabilités ; et pourquoi elle et pas moi ? Je porterai pas tes chaînes, garde tes déchets, je les boufferai pas.

Le détonnateur a oublié de sonner parce que c'est le bruit que font mes émotions déchaînées qui les couvre ; parce que je tremble, j'ai les veines qui bouillent, l'adrénaline qui court, c'est comme si j'avais pris six shots de café serré, j'arriverai jamais à dormir, c'est pas juste votre histoire.

Je prends pas votre illusion à deux balles. Je veux plus rentrer dans la danse, ni faire semblant, ni dire les choses à couvert, ni être implicite ; je veux rentrer dans le tas, donner un coup dans le mur, laisser le volcan parler.

Je suis pas d'accord et je veux qu'on me respecte.

Les larmes entrent dans la partie et le chagrin, lui aussi, prend sa place. Il est gros comme une maison et la seule façon qu'il a trouvé de se faire entendre est de gueuler sur les toits. Je voudrais crier des obscénités à m'en casser la voix et vous répéter encore et encore d'aller vous faire voir. Vous croyez que je ne donne pas déjà assez ?

Vous croyez que je n'ai pas besoin de dire que c'est okay pour moi ?

Vous n'avez pas entendu quand j'ai dit "non" ?

Il faut que je le répète ?

Les larmes se dessinent sur mon visage et tout déraille. J'ai cinq ans et je tiens tête à mes parents et on fini par se jeter les trucs qu'on a vraiment sur le coeur, mais ces trucs sales qu'on ose pas se dire en temps normal, quand on prétend que tout va bien et qu'on est des gens ordinaires et sains. Et je perds les pédales et ma voix déconne et mes émotions sont en roue libre et ça ne manque pas, tu te braques et tout est de ma faute ; ici, tout ça, c'est interdit.

Ici, c'est la prison et la camisole invisible. Tu peux pas dire que t'es pas d'accord, tu peux pas lever la voix, tu peux pas éprouver d'émotions, tu peux pas être en vie, sauf lui, parce que lui, il est particulier, tu comprends, il a handicap ; tu peux surtout pas être vivant.

Il suffit d'une étincelle de liberté, d'un brin d'insolence et il y a cette violence invisible qui te remet dans les cases.

Il commence à faire plus sombre. Nager dans la boue c'est désagréable et c'est dégueulasse. Les bips réguliers deviennent ponctuels. Le volcan crache par intermittence un brin de lave.

Putain, je m'en suis pris plein dans la gueule et ça revient, en coup de vent, alors que la porte du placard s'ouvre brusquement.

Lui, il peut sortir des cases, il peut s'exprimer librement, il est différent, tu comprends ; toi, si ça t'arrive, tu es instable émotionnellement, tu es fragile, tu comprends ? Ressentir les choses aussi fort, ça devrait pas être normal et les exprimer, c'est indécent. Tu me mets mal à l'aise.

Et t'appuies sur ton bouton préféré, celui qui a nourri la grenade, celui qui n'a fait que retarder l'explosion : la culpabilité. Je préfère ne pas te dire que c'est la manipulation, que ça ne marchera plus, que c'est pas juste que tu me demandes de ne pas me respecter, de ne pas être authentique, parce que ça te met mal à l'aise ; et je suis instable ? Et c'est de ma faute ?

Je retourne mes cartes face découverte. Je ne me couche pas, je ne remporte pas la partie. Elle est finie, je ne joue plus à ce jeu. Je m'en fous de perdre ou de gagner, ce qui compte c'est que je sois heureuse et épanouie, et entière. La partie est finie.

Tu peux remballer ton tapis, les cartes et tout le reste ; garde ton énergie, garde ta colère, je prends plus. C'est fini.

Je laisse mes cliques et mes claques avec tout le matos, j'y laisse ces émotions, le volcan crachote, et mes blessures qui guérissent piquent un peu ; c'est bon signe.

Je me sens déjà plus légère. J'ai vidé mon sac sur la table.

On a eu chaud ; la bombe n'a pas explosé, le volcan n'a pas tout brûlé. On plantera dans les champs qui ont été rasés les arbres de nos joies. Je me sens plus légère. J'irais bien danser toute la nuit autour des feux de joie, on jouera du tambour jusqu'à en devenir ivre, on fera vibrer nos cellules jusqu'à ce qu'il ne nous reste plus que l'essence de nos êtres : la liberté et la lumière, pure lumière, au creux de nos rires.

Et quand nos muscles seront épuisés de tant vivre, on ira se reposer dans le sable et écouter le bruit des vagues ; on ira s'allonger dans l'herbe et on laissera le vent nous caresser la peau.

Il fait bon d'être en vie.


Maéli


 
 
 

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