Je tourne en rond dans mon intérieur, dans mon coeur.
Alors c'est tout ?
C'est ça le jeu auquel les adultes jouent pendant presque toute une vie ? Réveil, boulot, dodo ?
Il y a comme une falaise qui s'ouvre, un vide.
Vraiment ?
Je m'assois tous les jours au bureau derrière un ordi et je travaille (ou je fais semblant si je n'ai rien à faire). J'attends qu'on me donne des tâches. Je partage cet espace avec 12 personnes qui mènent des vies parallèles qui remplissent la pièce d'un brouhaha intermittent. Coups de fil, réunions, collègues qui entrent et qui sortent.
Chaque jour est différent mais tous se ressemblent. Parfois, on prend la voiture et on visite des collègues. On écoute leurs plaintes, leurs difficultés, on fait le point, on fait des plans pour l'avenir, pour améliorer, pour optimiser, pour ajuster.
Je crois qu'on en oublie tout ce qu'on fait déjà.
D'autres, je suis avec les enfants pour quelques heures ; entre l'anglais, l'arabe et le français. Entre les parties de morpion sur le tableau, les devoirs à faire et les examens à réviser.
Et ce sont ces moments qui me rappellent que tout ça fait sens ; qui me rappellent la vie derrière ces statistiques, ces longues heures à remplir des rapports.
Ces enfants qui réchauffent mon coeur et qui me rappellent qu'il faut qu'on continue. A remplir des tableaux excel, à écrire des rapports de trente pages, à vivre, à espérer, à les soutenir ; qu'il faut qu'on leur donne une chance.
Ils ont fuit la guerre, ils ont traversé toutes sortes de choses que j'ignore et ils rient et leurs voix remplissent le couloir de vie et ils restent des enfants des humains des coeurs battants qui ne demandent qu'à vivre
et parfois je me demande
ce que ce monde fait à ses enfants
ou ne fait pas
et mon visage est un ruisseau et mon coeur pleure
et je me demande
ce que ce monde fait à ses adultes
pour qu'ils prennent soin de ses enfants
Et je me demande ce que je fais là dans tout ça.