-Oui, non, je vais pas pouvoir aujourd'hui, tu me dis, le souffle un peu coupé par la marche.
Le bruit de tes pas s'arrête. J'entends une voiture passer de l'autre côté du combiné. Je t'imagine regarder à droite et à gauche, à des kilomètres de là .
Je soupire et je regarde mes pieds. J'ai mes chaussons avec des têtes de rennes que ma soeur m'a offert il y a quelques années. On a l'air malin tous les deux.
J'ai les yeux qui piquent un peu et mon visage qui se crispe. Je ravale mon chagrin.
Je sais pas trop quoi dire, en fait. Tu m'avais dit oui, j'attendais de voir avec toi quand on allait pouvoir se voir. Je croyais que pour toi c'était important.
-Je crois que je vais pas avoir le temps.
Bah oui, t'es désolé, ça s'entend. Bah oui, j'ai du chagrin, gros comme une maison, qui prend toute la place dans mon coeur. En même temps, je comprends. Oui, c'est vrai, c'est bientôt noël, tu dois être occupé. Oui, après tout, tu dois avoir d'autres plans. Ouais, au fond c'est vraiment t'as raison, je compte pas vraiment.
Je respire un bon coup et coupe court au chagrin qui déraille en colère amère.
Tu me proposes mercredi, je sais pas si ça m'arrange, mais bon, j'ai quand même vraiment envie de te voir, quoi.
Alors je te dis oui et puis je fais ce que je peux pour raccrocher le plus vite possible. Ma peine toque à la porte, c'est un véritable raz de marée et j'ai besoin d'être seule, recroquevillée, quelque part dans un endroit où je me sens en sécurité, avec ma musique dans les oreilles.
Ça fait beaucoup d'un coup.
J'ai mal au coeur, chéri.
Tout le monde semble s'être donné le mot, aujourd'hui. La rage s'est transformée en chagrin, la lave en torrent. Et tout y passe, l'accueil à peine chaleureux, les piques énervées à propos de l'argent, mes affaires plus vraiment à moi, ma soeur qui ne fait pas plus que des onomatopées et les plans qu'on fait dans mon dos. Il paraît que les forêt empêchent l'eau de tout emporter sur leur passage ; mais j'ai jamais planté d'arbres dans mon coeur et tout s'en va avec le courant.
Il y a des moments où on se sent bien seul, même au milieu des siens.
Maéli