Je ne peux détacher le regard

J'ai les paupières qui clignotent.

Il fait nuit et des braises s'échappent du feu. J'ai les genoux recroquevillés contre le corps et je ne peux pas détacher le regard de cette lumière qui se consume.

Il y a comme un effet miroir entre l'intérieur et l'extérieur, entre ce que je vois et ce que je ressens, tout profond.

D'abord, il y a le calme de la nuit ; ce silence, ce silence qui en est assourdissant ; ce silence qui s'étire et prend des airs d'infini. Il y a ce chaos qui vit et qui danse en moi ; une danse tribale hypnotisante qui exorcise ses démons en cercle, autour d'un feu.

Il y a l'ineffable, ce que l'on ne peut nommer, ces émotions et images qui se répercutent et se mélangent, ces bouts de souvenirs que je n'arrive pas à laisser derrière moi et qui reviennent hanter mon cœur. Il y a des éclats de voix, des actes manqués, des non-dits, des chagrins jamais pleurés, des colères sauvages étouffées.

Je me sens comme un feu de forêt paralysé.

Les flammes chantent des mélodies inconnues, des histoires ancestrales silencieuses, des hommes qui s'aiment, des hommes qui dansent, des hommes qui explorent ces passages entre les mondes ; intérieurs et extérieurs, le nôtre et le leur, le visible et l'invisible, le Tout et le Un.

Ce soir, les flammes se dessinent aussi dans mon regard ; ce soir, un lien invisible se tisse entre cette chaleur orangée et mon cœur.

Tu te souviens de ton rêve d'être libre ?

Un murmure et je me vois, sauvage et fougueuse comme une Amazone, amoureuse et bienveillante comme une passionnée, le cœur remplit d'amour et de joie ; le cœur débordant du feu sacré.

Hennissement de cheval au loin, dans les plaines qui s'étendent à perte de vue. Cri de rapace un jour de chasse. Vibration des tambours et chants qui résonnent dans les cordes du vent. Bruissement de l'eau et des feuilles dans l'instant. Crépitement du feu et chaleur intérieure ; les flammes ont consumé mes liens.

Me voilà libre à nouveau. Libre, libre, libre ; comme le vent, l'air, la terre et le feu.

Et dans mon coeur, dansent mes joies et chantent mes peines, autour du feu sacré, autour du feu qui délivre et qui connaît le chemin.

Maéli