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J'ai pas les mots

  • Photo du rédacteur: Maéli
    Maéli
  • 4 mai 2020
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 23 janv. 2022

J'ai pas les mots. Comme un aveu, comme un soupir abandonné au creux d'un seconde oubliée.

La musique retentit. J'ai pas les mots.

Je ferme les paupières. Qui pourrait dire si c'est pour empêcher les larmes de couler, pour tenter d'oublier cet instant et de passer au suivant comme si de rien n'était ou pour contenir le chagrin qui se fracasse contre mes côtes ?

J'ai pas les mots.

J'suis pas d'humeur.

Je secoue inconsciemment la tête de droite à gauche, imitant l'orchestre qui joue en moi la symphonie du déni. C'est pas nouveau tout ça, c'est pas sorti de nulle part.

Ça devrait pas me toucher, hein ? Enfin pas de cette manière là, non ? Ça prend des proportions inattendues.

Y a une pellicule qui se développe sous mes yeux ; des photos en chair et en os. Des éclats de rire, les caresses du soleil, les chasses aux papillons. Les herbes hautes, les cloches des vaches qui résonnent au loin, les chemins sinueux qu'on connaît par cœur et cette sensation d'être à la maison.

Tu comprends, j'ai toujours bougé d'endroit. J'ai jamais vraiment pris racine, mais il y avait un endroit sur Terre auquel je pouvais m'attacher, parce que c'était la maison de mon cœur, parce que c'était à nous et pour toujours.

Tu comprends, quand je ferme les yeux et que j'y pense, j'y suis.

J'y suis. Je respire l'air frais de la montagne. La chaleur du soleil caresse mes jambes nues. Je marche nu pieds sur la pierre et le parquet du chalet, j'arpente les sentiers avec mes chaussures de rando ; j'optimise l'effort. Je joue de la guitare sur la colline un peu plus bas, face au Mont Pourri. Ou alors, je m'allonge dans l'herbe parmi les sauterelles, sur cette dune où on a retiré le poteau troué il y a quelques années. Cette dune où j'ai voulu passer une nuit à la belle étoile et j'ai pas tenu.

Je suis sous les toits et j'entends l'eau des glaciers couler. Les étoiles étincellent haut dans le ciel. Le froid pique mon visage, je sens les ressorts de mon matelas sous mon dos. La nuit est paisible.

Tu comprends, quand je ferme les yeux et que j'y pense, j'ai le corps qui rayonne de bien être et le cœur qui se réchauffe ?

Mais aujourd'hui, on me secoue et on me dit que c'est pas qu'à nous et que tout ça sera ne sera plus jamais à nous. Qu'on le vendra et qu'on ne sera plus jamais que des inconnus ici.

Et les oncles et tantes se battent pour trois sous et je regarde la scène. On dira la mort de mon grand-père et mes souvenirs font écho dans un hall de tristesse qui semble n'en pas finir. C'est morbide.

Et dans un dernier sursaut, les intérêts se réveillent et cette maison-là n'est plus vraiment à nous. Les yeux brillent et l'on tire la couette vers soi.

Et l'on se déchire pour cet endroit qui n'a pas de prix, cet endroit à qui j'avais confié un bout de mon cœur, parce que j'étais sûre que je pourrais toujours y revenir.

Maintenant, toujours et jamais se donnent la main sur le bord de la route. Encore deux boulets que j'ai mis à la porte. Il pleut des cordes, à croire que les anges ont entendu mon chagrin. Il fait gris, on n'y voit pas à deux mètres.

Pourtant il faut avancer, si possible sans trop se retourner, pour retrouver un nouveau havre de paix.


Maéli

A ce coin de montagne qui a bercé mon enfance et mon adolescence, qui m'a vu grandir, aimer, rire et qui m'a révélé de beautés. Je n'aurais jamais les mots.

 
 
 

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