Cœur à cœur

Il paraît qu'on ne peut pas vivre un futur qu'on n'a pas rêvé.

T'y crois, toi ?

Le reflet dans le miroir me fait la moue. On sait pas trop, en fait.

Et si on regarde tout tout au fond, si on se penche vers l'eau du lac, jusqu'à nous y voir, avec le mince espoir de voir les profondeurs, il y a bien une chose qui remonte à la surface : en fait, je sais pas vraiment où je veux aller.

Y a comme un malaise dans l'air quand cette bouillasse émerge.

Y a comme le lac qui m'appelle et qui me met au défi. Ah oui, tu sais pas ? Plonge et tu verras les trésors en toi ; plonge et tu verras que tu sais déjà tout.

J'la gobe pas, ta citation sortie tout droit du manuel du parfait moine tibétain.

Je croise les bras et y a une part de moi, juste en face qui hausse les sourcils, pleine de défis.

Arrête de te cacher. Tu veux rayonner, ou pas ?

Je baisse le regard. Là, j'ai plus très envie de voir ce qu'il y a au fond. Mon estomac se prend pour un poids lourd en pleine descente, sans freins, sans rien qui ne garantisse qu'on va pas y laisser notre peau.

Je me hérisse.

Puis, je relève la tête, les poings serrés. Faudrait quand même pas montrer à ce bout de moi qu'il a raison. Manquerait plus que ça.

Tu veux pas voir ?

Qu'est-ce tu veux que je te dise ?

Dis-moi que t'es désolée d'avoir dû en arriver là pour enfin m'écouter. Dis-moi que tu vas essayer de le faire plus souvent, maintenant.

On sait tous les deux très bien de quoi on parle. Y avait pas besoin de passer par autant de difficultés. Mais j'en ai fait qu'à ma tête. Mais j'ai cru que j'étais séparé de toi, que j'étais pas digne, que je méritais pas, tu comprends ?

Oui, je sais que t'ose plus rêver. Que t'ose plus croire en toi. Que tu t'es sentie seule au point que t'as cru que les anges t'avaient abandonnée, que les étoiles avaient pris des vacances, et que moi, ton cœur, j'étais en congé parce que je m'étais encore pété la gueule du haut d'un escalier.

T'avais fini par croire que t'étais trop naïve, et qu'à force de trop croire tu t'étais perdue. T'avais perdu la mémoire, dis-moi ? Dans les difficultés, t'as tout oublié.

Alors oui, tu peux pleurer, car tu ne seras plus jamais seule. Et si jamais tu ne sens plus ma chaleur dans ta poitrine, j'enverrais des émissaires pour te rappeler qu'on t'aime.

On t'aime.

Alors t'en fais pas, prends le temps qu'il faudra et tu verras, quand tu regarderas dans le miroir et que tu seras prête, tu verras clair.

Prends le temps de te remplir d'amour et de confiance. Tu verras qui tu es et que tu t'es caché à toi-même. Tu verras, tout est écrit, là et là ; c'est moi ta boussole et les étoiles veillent sur toi.

Y a que les sottises de la peur qui peuvent te faire croire ce genre d'histoires à dormir debout.

Alors pense à l'amour, tu verras qu'il accourrera.

Tu cherchais un remède, un sortilège pour sortir du noir, quitter la solitude et trouver l'amour ? Tiens, il est à toi et il est tout simple : pense à moi, je bats à tous les instants au plus profond de toi, et si tu tends l'oreille, tu m'entendras. Tu verras, ça suffit pour se sentir complet et accompagné : alors inspire, expire et écoute-moi. Recommence encore et encore. Tu verras l'ivresse d'être aimé, l'ivresse du présent.

Quand tu seras prête, rappelle-toi que tout est là.

Maéli