top of page

Va et vient

Dernière mise à jour : 4 oct. 2022

J’expire.

Je regarde la cigarette qui fait le va et vient de tes lèvres au cendrier, la fumée que tu expires, la braise qui consume la cigarette. Il y a des jours où je me dis que j’aimerais bien fumer. Que ça me donnerait peut être cette assurance qu’affichent tous les fumeurs; à croire qu’ils se sont mis d’accord sur le fait que la cigarette avait des vertus boostantes pour la confiance en soi.

Encore un déguisement pour jouer aux adultes et faire croire que nous savons ce que nous faisons que nous savons où nous allons que fondamentalement tout va bien.

Peut-être que si je fumais, je prendrais plus le temps de respirer. Inspirer. Expirer la fumée avec un air concentré. Inspirer. Expirer à nouveau.

Je crois que j’ai oublié de respirer.

Je me sens oppressée.

Je m’écoute parler et je me rends à quel point tout ne va pas bien, je me rends compte que j'ai fini par devenir comme ceux qui m'entourent,

C'est tout un environnement qui m'a absorbée -ou c'est moi qui l'ai désormais dans la peau ?

Une femme nous interrompt pour nous demander de l'argent pour nourrir ces enfants. Elle nous dit qu'elle est gravement malade. Mon coeur se fend. Je reconnais cette dame, je l'ai déjà vue dans un bar alentour tenir le même discours.

Tout comme je reconnais ce monsieur qui passe derrière elle d'un pas rapide avec son enfant dans sa poussette.

Je m'accroche comme je peux à la pensée que je fais déjà beaucoup, mais non ne suffit pas, la dame insiste et il ne nous reste qu'à détourner le regard jusqu'à ce qu'elle comprenne. Il ne nous reste qu'à détourner le regard. Quels mots terribles.

Nos assiettes sont pleines et le monde tourne à l'envers, quelque chose a dû dérailler dans le cours des choses, qui a décidé qui aurait le ventre plein ce soir et qui ne l'aurait pas ?

L'impuissance a un bruit silencieux.

Les questions dans l'air remuent nos coeurs.

Une ONG explique ses activités à la table à côté. Elle dépose ostensiblement une boîte à dons sur la table.

Je me sens étouffer mais je me concentre sur ce visage familier, sur la cigarette qui fait le va et vient de tes lèvres au cendrier, moi qui croyait que tout allait bien ; tout ira bien. Je me distrais des nouvelles qui viennent d'au-delà de ce qui est devenu mon univers ; des nouvelles qui parlent de perspectives, de liberté, de choix, de rires. Je respire de ce monde au-delà de ces frontières.

Il y a des jours, j'aimerais passer à la loupe la trame de l'histoire et chercher ce petit point, ce petit rouage, où tout a basculé pour tisser une nouvelle toile.

D'autres jours, je me rappelle qu'il n'y a nulle part où aller que maintenant.

17 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Arazane

bottom of page