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Un monde d'hommes

Un samedi après-midi.


Il fait chaud. Je n’ai pas pris mon chapeau car je n’ai plus l’habitude de marcher ici et je me dis que ça aurait été plus raisonnable de le prendre. J’aperçois le bus arrêté à l’arrêt, une centaine de mètres plus loin.

Je suis en avance et je vais pouvoir m’y poser tranquillement.

C’est sans compter sur ce monsieur aux cheveux noirs et à la bouche édentée qui passe en sens inverse. Je le vois qui fait demi-tour et qui s’approche de moi. Il me dit même bonjour je crois et je baisse la tête, comme si je ne l’avais pas vu.

Mais, quand quelqu’un vient droit sur nous, quand bien même on ne veut pas le voir, il y a bien un moment où on ne peut pas l’ignorer. Je ne m’arrête pas pour autant.

Il me dit bonjour et me tend la main. Je ne la prends pas et je dis bonjour. Il s’appelle Ali. Il me demande où est la maison d’eau à Taroudant et je n’en ai aucune idée. Je m’arrête, souffle en gonflant les joues et lui fais part de cela.

Il me répond en me disant que je n’ai pas de maison à Taroudant et je me rends compte qu’il y a eu un malentendu. Il me propose de venir chez lui et je dis non merci.

Je reprends mon chemin et il tient à ce que je lui serre la main avant que je ne parte. J'aurais préféré ne pas le faire, mais ça me semble vraiment impoli et Taroudant est une petite ville et je risque de le recroiser, tôt ou tard.

Le bus s’en va et je peste. Sans ce contretemps, je l'aurai eu. N'aurais-je juste pas dû m'arrêter ? J’ai une sensation désagréable dans la cage thoracique et mal à l’estomac. Je digère mal les hommes et leur attitude je crois.

Je pense à mon ami qui m’a dit de mettre un tee shirt à manches longues pour venir chez lui et j’ai la moutarde qui me monte au nez. D’où ça sort ? Il faut vraiment qu’on ait une conversation. Je déteste que les hommes me disent comment m’habiller.

Maintenant que le bus est parti, je m’assois à l’ombre de l’abribus et je ne me doute pas que le festival n’est pas terminé. Je sors mon téléphone, j’ai des choses que je voudrais finir d’écrire.

Je ne crois pas avoir aligné plus de trois mots quand un jeune garçon à la peau tannée, des dreadlocks emmêlées et un air amical traverse la route pour se mettre sous l’abribus à côté de moi.

Il me sourit. Il s’appelle Mounim et il est marocain. Et moi je viens des Etats Unis ?

Non, je viens de France.

Il me dit de lui donner mon numéro de téléphone pour qu’on parle sur whatsapp.

Non, merci. Je ne donne pas mon numéro de téléphone aux inconnus.

L’information entre par une oreille et sort de l’autre.

S’il te plait, donne moi ton numéro.

Vraiment ? Est ce que c’est en insistant que tu penses que ça va marcher ? En mettant un s’il te plait dans la phrase ?

Je maintiens mon non.

Il me demande si je suis mariée -mais quel rapport ?

Et je dis non.

S’il te plaît, donne moi ton numéro.

Non, je ne donne pas mon numéro à quelqu’un que je ne connais pas.

Okay, très bien.

Les hommes ont ils si peu l’habitude qu’on leur dise non ?

C’est un autre de leur congénère qui vient s’assoir à côté de moi sur le banc. Il me parle mais je ne comprends rien. Il a l’air sympa et je lui laisse le bénéfice du doute. Mais, j’ai cette sensation logée en moi qui me dit que quoi que je fasse, je suis vulnérable et que les hommes représentent un danger.

La moitié de l’humanité, mais c’est bien trop.


En cet instant, je déteste les hommes pour les droits qu’ils prennent et pour cette sensation d’insécurité qui me colle à la peau. Je voudrais vomir mes tripes.

C’était seulement trente minutes de ma vie. Il est temps de remettre les choses à leur place.


It’s a man’s world.

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