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La place Jamal el fna

Semaine 8. Marrakech, place Jamal el fnaa.


Je suis restée plusieurs heures près de la place jamaa el fnaa. Assise sur un banc, à écrire, à laisser mes pensées m’emmener sur leur radeau. La mer était agitée. La place aussi.

Je l’ai découverte en plein après-midi, vendredi, vers 15h. C’est la place emblématique de la ville et j’avais la chance d’avoir mon hôtel juste à côté.

Je me suis sentie submergée, d’un coup. Les femmes entièrement recouvertes de leur voile, assises en cercle qui t’interpellent. Les nombreux tabourets autour d’elles, sur lesquels étaient disposés des albums avec des photos de leurs réalisations au henné ne laissaient pas de doute sur leur occupation.

Les multiples marchands ambulants qui te proposent des jus de fruits. Leurs stands sont identiques et tous exposent aux yeux des visiteurs des fruits frais en une myriade de couleurs qui met l’eau à la bouche. C'est l'abondance visuelle.

La place jouxte l’entrée du souk et les boutiques débordent d’objets à ramener chez soi : tapis berbères, bijoux, céramiques, objets en paille tressée, souvenirs en tout genre. En soi, que des objets probablement artisanaux mais qui m’ont mise mal à l’aise.

Il y a aussi les vendeurs de lunettes de soleil, les restaurateurs qui t’invitent à voir la carte, les vendeurs de babioles.

Des sons de tambours et de flûtes s’échappent de sous un parasol. Lorsque je passe à quelques mètres de ce regroupement de personnes, des passants se font haranguer par des hommes qui tiennent un serpent dans leur main -comme on tiendrait un mouchoir chiffonné. Je frissonne et m’en éloigne le plus loin possible.

C’est de très loin que j’observe le manège qui se déroule sous la tente -le plus loin possible, mais suffisamment près pour voir quand même.

Je mets au moins une minute à comprendre. Un charmeur de serpents.

Oulah, je ne m’approche pas de ce stand.

Vraiment, cette place me submerge. Elle me met mal à l’aise. Comme le souk et les rues adjacentes.

Ça déborde d’un mélange de touristes européens, marocains et de personnes qui sont prêtes à tous les subterfuges possibles pour t’attirer dans leur magasin et te faire acheter leur marchandise.

La fausse gentillesse est de mise. Les commentaires sur mon apparence, les « juste un regard » ou autres font que je suis réticente à répondre, même à un bonjour ou à un passant qui me souhaite la bienvenue.

Le monde tourne à l’envers.

Le soir, c’est le même manège. Certains serpents sont sur le sol de la place, dressés -il ressemble sacrément à un cobra, lui, et lui, sacrément à ce serpent venimeux dont j’ai vu la photo sur internet-, pendant qu’un de leur pair est la vedette un peu plus loin et j’espère vraiment que l’envie ne leur prendra pas d’aller voir ailleurs.

Maintenant que le jeûne est rompu, de nombreuses buvettes ont poussé sur la place. La fumée des grillades s’élève dans le ciel. La nuit est fraîche et l'atmosphère, totalement différente.

Avec l’obscurité, de nouveaux gadgets ont fait leur apparition, une ribambelle de petits objets en plastique qui scintillent - des trucs qu'on lance et qui tournoient, des spidermen et des princesses qui tournent sur elle-même. Il y a aussi les petites lanternes.

J’ai l’impression d’être un porte-feuille ambulant. C’est terrible.

Une femme, seule, assise dans son cercle de tabourets vides et son carnet de photos de réalisations au henné à la main m’aborde. Elle me demande d’où je viens et elle a l’air sympathique, et puis, elle est seule. Alors, je lui réponds que je viens de France. Elle s’approche de moi et me dit « pour trouver un bon mari », elle m’attrape la main et me lisse la peau. Elle me serre le doigt et je comprends ce qui se passe quand elle sort sa petite seringue qui sert à appliquer le henné. Je dégage ma main en lui disant que non, non.

J’ai mal au doigt. Elle me dit que c’était un cadeau. J’ai le coeur qui bat vite et l’envie de vomir au son de ce mensonge. Un peu plus et on me forçait à mettre quelque chose sur mon corps dont je ne voulais pas. La voix de mon collègue résonne en fond : non, mais ne t’en fais pas, nous, dans la vallée on utilise du henné pur, pas comme à Marrakech où ils rajoutent des dérivés du pétrole ou des trucs chimiques pour que ça coûte moins cher.

Mon coeur de fend en deux quand je vois des singes tenus en laisse dont le rôle est de permettre une rapide photo au voyageur. Ils s'accrochent à leurs chaînes et résistent, mais leur propriétaire tiens bon et les remets sur l'épaule ou la tête du client.

J’ai les larmes aux yeux. Des torrents qui n'attendent que de déborder.

J’essaie de comprendre ce que les gens lui trouvent à cette place, la raison de ce manège, mais je n’y arrive pas. J’essaie de me dire que je suis en vacances, que je devrais profiter, mais je suis effarée. Je me dis que, peut-être, le monde tourne rond et que j’ai un problème. Tout le monde est émerveillé, mais pas moi.

Ou alors, mon truc à moi, ce n’est pas le tourisme, c’est plutôt la montagne, la mer, la nature, les rencontres du coeur, ce genre d’aventures qui me font vibrer. Peut-être que cette danse, ce carnaval n’est pas pour moi.

Plus loin, alors que je refuse une excursion, on me demande si j’ai besoin d’un mari.

Sur le sol et sur les façades des boutiques, on peut tout acheter, des chaussettes en passant par les babioles, des coussins en passant par la céramique. Les mendiants aussi attendent que j’ouvre mon porte feuille. Les enfants me demandent un dirham.

L'attraction principale de cette place, c'est la consommation.


Ce soir, j’ai décidé que je n’achèterais rien à Marrakech. Pas cette fois, en tout cas.


Si Marrakech c’est le Maroc, alors je suis un porte feuille ambulant.




PS : Je suis en retard parce que j'ai eu un souci d'internet... Les aléas du voyage.

PPS : Le problème du souk de Marrakech c'est aussi que, généralement, les artisans derrière tous ces objets, ne gagnent pas grand-chose, tout va à l'intermédiaire.

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