top of page

Je n'écrirai pas aujourd'hui

Semaine 9. Taroudant - Arazane.


J'ai le clavier ouvert, il me reste deux heures avant de partir. C'est le moment d'écrire, de raconter ce qui m'est arrivé et de ce proverbe marocain qui dit que quand un poisson est pourri, c'est toute la mer qui en pâtit.

Le téléphone sonne. Les plans ont changé. J'ai quinze minutes pour me préparer.

Il fait chaud et je ne sais pas si j'aurais mon bus. J'aurais le temps d'écrire pendant le trajet puis de le poster plus tard. Mais, je monte dans le bus et, à peine assise, une figure familière prend la place à côté de moi.

Je n'écrirai pas aujourd'hui.

Il fait chaud. Je transpire de partout. Les femmes devant moi sont couvertes des pieds à la tête, jusqu'au bout des doigts et je me dis que, vraiment, elles doivent avoir des super pouvoirs parce que je fonds comme une glace au soleil.

Tu te plains que le bus fait un bruit infernal sur ces routes de campagne. Un autocollant indique que la compagnie opère depuis 1990 et je pourrai parier que ce sont les mêmes bus depuis. Enfin, il y a des bus.

Tu as commencé un nouveau travail cette semaine et tu me montres ce que tu fais pour le Haut Commissariat au Plan. Vous préparez le recensement de 2024. Tu as une pochette en cuir flambant neuf, ça fait professionnel. Tu es tout fier. Quand tu l'ouvres pour me montrer quelque chose, tu en sors une tablette et je vois bien que ce travail, même si ce n'est que pour un an, c'est au-delà de ce que tu aurais pu espérer.

Tu me dis que le salaire est bon et que tu as un jour de repos. Puis, tu fais une blague sur les filles au travail et je rigole.

Il fait vraiment chaud. Je pense à ma peau qui colle, à la route qui défile, à ce que tu me dis sur le mariage et les filles, au fait que j'essaierai d'écrire ce soir avant d'aller dormir et je me demande si on verra Walid, s'il travaille ou pas, aujourd'hui.


Je n'ai pas écrit.

Je me suis retrouvée dans un salon marocain à boire le thé et à regarder les oeuvres au crochet que la maman de Rashid avait fait, dans une cuisine, sur un tabouret d'une vingtaine de centimètres à regarder la maman de Rashid faire des msemens d'une main experte sur une petite table de la même hauteur, ces sortes de parathas marocaines et à lui donner un coup de main.

Je me suis retrouvée à Souss Foot, au milieu de nulle part, entre les montagnes et avec le soleil couchant, à regarder un match de foot entre le Raja Athlétique Club et le Al Ahly égyptien. Drame terrible, l'équipe marocaine a pleuré, j'ai cru que vous alliez pleurer.

Je me suis retrouvée dans une voiture qui file dans la nuit, la musique qui résonnait en choeur avec nos voix, les oliviers et les champs qui défilaient de l'autre côté de la vitre. Tout aurait pu arriver. On était jeunes, heureux et ensemble, rien d'autre n'importait.


PS : je fais une pause la semaine prochaine pour me remettre sur les rails en terme de timing d'écriture. Je reviens la semaine d'après le dimanche à 12h, heure marocaine.

Posts récents

Voir tout

Arazane

bottom of page