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Il fait beau sur un autre continent

marielinen

Dernière mise à jour : 15 mai 2022

Il fait beau comme presque tous les jours à Beyrouth. Je suis assise derrière mon ordinateur, à taper les mots qui me viennent. Il est temps de faire un point.

J’étais tellement épuisée mentalement de tout ce temps à taper des rapports et de toute cette incertitude que je n’ai pas pu écrire depuis longtemps. Je n’ai pas pu me pencher pour voir ce qu’il y avait dans mon coeur.

Une moto passe dans la rue, des enfants parlent et leurs voix résonnent entre les immeubles. Je ne comprends pas ce qu’ils disent. Des pétards explosent de manière intermittente dans la rue et j’ai un peu peur à l’idée de m’y aventurer plus tard dans la soirée.

Ce bruit d’air qui claque me donne un sentiment d’insécurité.

C’est l’aïd aujourd’hui, peut-être que c'est une façon pour eux de fêter la fin du Ramadan. Ou peut-être que, comme tous les enfants, ils aiment faire exploser ces petites choses qui font du bruit et de la fumée.

De ma fenêtre, je vois les câbles tendus d’immeubles à immeubles se balancer au gré d’un vent invisible. Un drapeau libanais flotte fièrement sur un toit de taule.

Les balcons sont protégés par des draps abîmés et sales. La couleur des bâtiments s’en va et laisse l’impression que sous le beige se cache de la saleté.

Beyrouth est une ville qui a l’air fatiguée.

Ou peut-être que c’est mon regard qui ne voit que cette facette de ce qu’elle a à donner.

Je suis pensive.

La ville a tant changée depuis que je suis arrivée. Le Liban entier. Les routes sont maintenant bordées de panneaux immenses accrochés aux ponts, aux immeubles, aux panneaux publicitaires. Chaque jour, de nouveaux spots apparaissent.

J’étouffe sous ces visages souriants. Ils ont des dents blanches, des promesses.

Des mots qui reviennent. Souveraineté. Responsabilité. Justice. Nous sommes avec vous. Tous ensemble.

Il y a aussi un code couleur pour les partis, que j’oublie tout le temps et que je mentionnerais plus tard.

Je pense à tous ces gens sur ces photos qui se font de la pub et qui dépensent tellement d’argent pour qu’on les voie et pour qu’on leur donne du pouvoir. Je me demande jusqu’où ira l’indécence, en pleine crise économique. J’ai l’impression que prendre la voiture c’est être envahi de leurs visages et ne plus pouvoir les oublier. Et je comprends alors pourquoi des gens qui veulent qu’on les élise font ça. On ne donne pas sa voix à des inconnus.

C’est marrant, une classe politique qui parle de responsabilité quand on sait celle quelle peut avoir devant le drame que tant de gens vivent, ici.

Mais je ne suis pas là pour juger. Je viens d’un pays qui parle de liberté mais où des policiers peuvent tirer des flashballs sur des manifestants. Je viens d’un pays qui s’insurge contre la guerre en Ukraine mais qui vend des armes en Arabie Saoudite pour sa guerre au Yémen. Je viens d’un pays qui parle de fraternité mais qui abrite tant de gens désoeuvrés et de débats stériles qui ne font que générer de la violence et des divisions.

Je viens d’un pays qui m’a tant appris mais qui vit à rebours de ce qu’il m’a enseigné.

Je viens d’un pays que je ne reconnais pas.

C’est étrange, n’est-ce pas ?

Même sur un autre continent, on est ramené à d’où l’on vient ; à regarder chez soi, dans ses croyances, dans son coeur.


PS : Dans les prochains posts, je prévois d’écrire à propos des élections qui auront lieu bientôt et pleins de choses pour apprendre à découvrir le Liban. J’ai disparu un moment mais je suis de retour, j’espère pour écrire plus régulièrement.

PPS: La photo ne rend pas du tout compte de l'invasion visuelle des affiches pour les élections mais prendre une photo en voiture n'est pas une affaire aisée... donc j'ai opté pour une photo prise à pied mais rendant moins compte du phénomène.

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