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Hors du temps

Le soleil brille haut dans un ciel sans nuages. Le vent transporte la poussière qui s'accumule dans mes cheveux qui dansent dans la lumière du jour. La pierre qui nous entoure s'étend à l'infini. La roche ondule en un camaïeu de couleurs au-delà de mon regard.

On croirait parfois qu'un géant a caressé les montagnes et que les stries qu'on y voit sont simplement les marques qu'ont laissé ses doigts.

Les enfants dévalent la montagne en courant alors que j'y vais à petit pas dans ce sentier caillouteux.. Je crie un wouhouuuuuu car je me sens libre dans leur élan. Je n'y crois pas, ils sont claquettes - le genre de truc en plastique que je mets pour aller à la piscine - et ils sont en plein sprint dans la descente.

Les filles nous accompagnent, un âne devant et l'autre derrière. Nous ramenons la terre que nous avons extraite de la carrière et tamisée en début de semaine. Les hommes en feront des poteries et iront les vendre. Ils partiront à pied, l'âne chargé de poteries pour le souk d'Adar ou pour d'autres villes alentours. Ils reviendront avec de quoi nourrir leurs familles.

La lumière du soleil a quelque chose de magique à cette heure, alors qu'elle descend de la montagne. Je m'arrête pendant que tu filmes le retour au village. Tu ne veux pas que les enfants apparaissent sur les vidéos, tu prends juste l'âne et Mina, loin devant.

Le temps s'est arrêté depuis longtemps dans ce village et j'aimerais bien mettre mon temps à moi sur pause, le figer, appuyer sur un bouton qui capturerait le moment. Les montagnes ont apaisé mon coeur.

La main des filles au creux des miennes le réchauffent. Elles ont dix ans et nous parlons des langues différentes. On s'apprend les parties du corps dans nos langues mutuelles. Elles rient parfois si fort quand j'essaie de dire leurs mots à elles. Mais, nous parlons un langage mutuel, celui de notre humanité.

Alors que nous marchons côte à côte, j'ai l'émotion qui envahit ma cage thoracique. C'est un océan interne, à deux doigts de déborder. Je pense à vos mains dans les miennes qui ne veulent pas me lâcher car vous voulez être sûres que je ne vais pas tomber ; car vous savez que d'où je viens le sol est plus stable, il ne s'agit pas uniquement de pierres. Vous avez l'habitude. Et je suis émue de la force que c'est d'avoir des personnes qui marchent à mes côtés pour s'assurer que je ne suis pas seule et que je ne tomberai pas.

Je pense à la tempête au cyclone à l'ouragan qui a parcouru ma vie depuis le Liban et je pense à toutes ces âmes qui sont restés à mes côtés le temps que je retrouve la lumière, le temps que les pleurs passent, le temps que les blessures cicatrisent, le temps que je m'endorme le soir.


Vous êtes ma force.


Ici, le temps n'a pas de prises, pourtant le soleil continue sa course derrière les montagnes. Il y a des endroits sur Terre qui prennent un sens particulier dans une vie et je crois qu'ici sera toujours un de ceux où mon âme se sentira chez elle.

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