Dimanche 15 mai, Beyrouth.
Ce week-end, je ne suis pas sortie de la ville.
Les écoles ont fermé jeudi dernier pour ne rouvrir que lundi sur ordre du ministère. Les checkpoints ont poussé comme des champignons autour de certains quartiers.
Il y a dans l'air une tension presque palpable.
On m'a répété qu'on ne sait pas ce qui peut arriver. De me tenir loin des bureaux de vote, pour des questions de sécurité. D'éviter de sortir de la ville car il pourrait y avoir des barrages routiers.
Happy intikhabat ! m'a dit une amie vendredi soir, avec ce mélange d'anglais et d'arabe tant pratiqué ici. Joyeuses élections.
Beyrouth s'est parée de centaines d'affiches aux visages et couleurs multiples. Des affichages le long des routes qui peuvent coûter des millions de dollars.
J'essaie encore de déchiffrer le language visuel de ces affiches. Le jaune avec des kalachnikovs vertes, c'est le Hezbollah, le parti armé chiite financé par l'Iran. Le vert avec un cercle rouge au milieu et l'écriture "Amal" en son centre, c'est le harakat Amal, qui veut dire "mouvement espoir", un autre parti chiite. Le bleu et blanc, c'est le courant du futur, un parti sunnite mais officiellement laïc, fondé par Rafiq Hariri, ancien premier ministre, assassiné en 2005. Les forces libanaises ont un drapeau blanc avec un cèdre au milieu, entouré d'un cercle rouge; c'est un parti chrétien.
La liste est longue et plus je me renseigne, moins je comprends ce qui se passe. Plus les codes visuels et l'historique de chaque formation m'apparaît complexe.
Ils prennent racine dans la guerre civile et les années qui ont suivi. S'ajoutent les partis indépendants, ceux aussi qui sont nés de la révolution de 2019 qu'on appelle "les partis du changement" et qui cherchent à renouveler le paysage politique.
Aujourd'hui, on vote pour élire un nouveau Parlement. Le marché est fermé pour pousser les gens à aller aux urnes. Le prix de l'essence est rédhibitoire pour certains, d'autres ont reçu de l'argent, des biens ou des services en échange de leur vote, quand certains ont tout simplement perdu foi dans une classe politique qui a démontré son incompétence à de nombreuses reprises.
D'autres encore, iront voter pour la première fois, même s'ils auraient pu le faire depuis de nombreuses années.
Certains disent qu'un léger vent de changement souffle mais qu'il faudra des années. LADE (l'association libanaise pour les élections démocratiques) enregistre les violations au système démocratique.
Quand je me suis renseignée, personne n'a su m'expliquer la loi électorale de 2018 concernant les élections législatives. Mais toujours est-il que par circonscription, un certain nombre de sièges est disponible en fonction de la confession du candidat.
Une loi qui s'inscrit dans le cadre d'une constitution adoptée sous mandat français en 1926 et prévoyant un système basée sur les confessions religieuses. Happy intikhabat !
*Joyeuses élections!
Si ça vous intéresse et que vous voulez creuser la question :
"Au Liban, un mince espoir de changement pour les élections législatives", Ines GIL, Les clés du Moyen-Orient, 15/05/2022, https://www.lesclesdumoyenorient.com/Au-Liban-un-mince-espoir-de-changement-pour-les-elections-legislatives.html
"Législatives au Liban : un scrutin clé pour un pays frappé par la crise", Leela JACINTO, France 24, 13/05/2022, https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20220513-i
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