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Casablanca

Je pose les pieds sur le quai. Je me prends une vague de chaleur sur le visage. Mes yeux s'écarquillent. On pourrait être dans le sud de la France ou en Espagne.

Nous suivons le mouvement vers la gare et je me prends quelque chose dans le corps, une sensation qui me laisse un peu sonnée. C'est irréaliste.

Il y a un Mac do, des chaînes de petits restaurants, un hall de gare qui pourrait tout aussi bien être celui d'un centre commercial, des néons, un air ventilé et des jeunes qui jouent au foot sur un terrain en plastique.

On prend les escalators pour descendre et tu me dis qu'à Médine il y a des gens qui sont payés pour accompagner les personnes âgées pour leur utilisation de ces escaliers vivants. Il y a des gens qui les voient pour la première fois.

Je me demande comment c'est possible, que tant d'univers si différents cohabitent sans entrer en collision. Dans quelques heures, nous serons au milieu de la campagne traditionnelle du Maroc.

Casablanca, où est ton âme ?

Je suis traversée par cette sensation bizarre, il faut que je respire, il faut que je m'assois, je me sens submergée par les informations. Ça ressemble à la civilisation.

Je déteste ce mot. Je déteste ce qu'il implique, ce avec quoi on l'assimile, les droits que les gens prennent en son nom. Mais, quand on l'utilise pour arriver en ville, il a un sens bien précis, un sens de familier, un quelque chose qui souligne les contrastes et les paradoxes de ce monde.

On a pris le train une heure et on se retrouve en plein milieu d'un coeur battant du capitalisme. Tout y est, du Mac do à la chaîne de sushis en passant par le magasin rempli de gadgets en plastique trop mignons.

J'ai comme un besoin d'atterrir. J'ai dû mal à y croire.

Alors, on sort à la recherche de la mosquée Hassan II, un monument avancé sur la mer. Le vent marin secoue mes cellules, comme pour me remettre les idées en place. La chaleur est insupportable. C'est une chaleur de ville. L'air est chaud, les résidences coupent la ville du vent marin, le goudron retient la chaleur.

Je transpire.

Ici, les gens ne disent pas "Casablanca", c'est juste "Casa", même sur le site de la ONCF, le site officiel des chemins de fer marocains. J'avais presque cru qu'il n'y avait pas de station de train à cause de ça. On longe la marina, le port industriel, les centres commerciaux, les nouvelles résidences face à la mer. De l'autre côté de la rue, des immeubles délabrés racontent d'autres histoires et d'autres trajectoires.

Mais, les tours résidentielles préfèrent regarder ailleurs, c'est même la photo de la pub pour les appartements, une femme qui nous tourne le dos pour regarder la mer. Elle a les cheveux au vent. Plus de deux millions d'euros pour voir l'océan tous les jours et ne pas voir ce qu'il y a de l'autre côté de la rue.

C'est marrant, cette capacité qu'on a de se mettre des oeillères. Il suffit de regarder dans la direction qui nous attire. D'arranger un peu la réalité.

Tu penses que nos zones d'aveuglement sont les garants de ces histoires que l'on se raconte sur nous mêmes ?

Casa, décidément, tu ne m'auras pas séduite. Je n'ai même pas pu visiter la seule mosquée visitable aux non musulmans au Maroc. Elle avait l'air belle. J'y aurais bien déposé une prière pour ce monde, pour mon coeur, pour toutes ces choses que ce voyage a remué en moi.

Alors, faute de les déposer au coeur d'un lieu sacré, j'allume des bougies chez moi et j'écris.

Tu sais que les mots peuvent être à la fois des guides, des lumières dans le noir, des étoiles dans la nuit, des feus de joie, des caresses, des rafales de vent, des prisons, des ruptures, des gardiens, des liens, et tout ce qu'on les laisse être ?

Tu sais que les mots portent en eux la semence de renaissances le pouvoir de tout recommencer de faire fleurir des terrains stériles et d'allumer des coeurs

Si on les laisse éclore, alors, ils peuvent donner naissance à des champs de lumière.


Puissent les lettres de mes mots allumer des poussières d'étoiles à la suite de leur passage, jusqu'à créer des océans d'étoiles ; jusqu'à ce qu'il ne suffise plus que d'ouvrir les yeux pour voir la lumière qui parsème la Terre.


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