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Cris du coeur

Dernière mise à jour : 4 oct. 2022

Les jours s’enfilent sur la ligne du temps. Les perles deviennent bracelets, puis colliers.

Les larmes succèdent aux rires et le calme s’installe après la tempête.

Je me suis habituée au ronronnement de Beyrouth mais il y a certains bruits qui ne me seront jamais vraiment familiers. Le rugissement constant du trafic, les mains tendues et les voix qui les accompagnent, le grondement envahissant des générateurs qu’on met en route, l’appel du muezzin à heures régulières, la messe diffusée en entier le dimanche à l’extérieur.

Les journées se succèdent et tous ces bruits tapissent mes jours et mes nuits. Je sens mon énergie qui prend la malle, je me sens comme un robinet qui fuit ; à croire qu’un courant d’eau rend la terre inconstante sous mes pieds.

Les informations m’assaillent. Il y a tant de chaos, tant de bruits d’odeurs de couleurs de lumière de cris silencieux.

Je ne me ferais jamais à l’atmosphère pesante qui règne, aux chauffeurs de taxis avec qui il faut sans cesse négocier, aux conversations autour du cours du dollar, du prix du gasoil et de l’électricité. Je ne me ferais jamais aux demandes en mariage improptues et à ces inconnus qui me disent « je veux aller en France mais je ne peux pas avoir de visas, ils n’acceptent pas tout le monde. »

Je ne m’y ferais jamais, je crois, à cette idée que ma normalité est une exception. A cette idée que je suis blanche et que je suis née dans un pays qui tient en cinq lettres, qui appartient à la zone la plus riche du monde et que ces lettres sur mon passeport me donnent des droits qui ressemblent à des privilèges pour d’autres.

Je boue de rage.

Je suis née du bon côté d’une vitre de verre que peu de personnes peuvent se targuer de franchir en allant vers moi. Le monde m’est ouvert, mais mon monde est fermé par des frontières, par des lois, par des peurs, par des verrous qui font que des gens se noient dans la méditerranée dans l’espoir d’une vie meilleure sur les terres qui m’ont vues naître.

Il paraît que je devrais me contenter de ce que j’ai, que je devrai m’estimer heureuse de n’être pas née ailleurs, que je devrais penser à moi.

Mais comment ?

Comment détourner le regard ? Et pourquoi, surtout ?

Fermer son coeur à ce monde ?

Quelle folie.

Nous venons du même endroit et irons au même endroit. Nous portons nos rêves, nos espoirs, nos désillusions, notre aspiration à une vie meilleure, à la paix et à la joie du début à la fin de mon existence.

L’espoir d’un monde meilleur, et pour tous, ne devrait pas être un luxe.

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